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jeudi 21 janvier 2016

RTBF.BE Complainte Des Landes Perdues et Murena Artbook

Les "landes perdues" comme "Murena" sont devenus des fleurons de la bd contemporaine. Grâce, certes, au scénario de Jean Dufaux, mais grâce aussi, et surtout peut-être, au dessin de Philippe Delaby. Et ces deux livres parus il y a peu rendent, chacun à sa manière, hommage à ce dessinateur exceptionnel, bien trop tôt disparu.


Murena Artbook (auteurs : Philippe Delaby et Jean Dufaux – éditeur Dargaud)

On pourra, certes, continuer à dessiner Murena. On pourra encore et encore accompagner les mots de Dufaux pour raconter des aventures historiques qui n’ont strictement rien de mièvre ni de convenu. On pourra, sans arrière-pensée, savourer en tant que lecteur les nouvelles démesures propres à cette série novatrice et particulièrement bien construite. Mais on ne pourra jamais oublier que Murena appartient, d’abord et avant tout, à un dessinateur, Philippe Delaby, un dessinateur qui, dans cette série, a vu son talent exploser, devenir essentiel, tracer de nouvelles voies graphiques dans l’univers de la bande dessinée historique.

De tous les projets bd auxquels Delaby a participé, Murena aura sans doute été le plus personnel, le plus abouti. Et cet " artbook " consacré à cette œuvre (non, n’ayons pas peur des mots !...) rend un hommage superbe tant au dessinateur disparu qu’à son scénariste. Un scénariste qui, orphelin non de ses héros mais de l’amitié qui l’habitait, continue à faire vivre les personnages que Delaby, son ami, aimait !...



Complainte Des Landes Perdues – Les Sorcières : 1. Tête Noire (dessin : Béatrice Tillier – scénario : Jean Dufaux – éditeur : Dargaud)

Après le départ de Philippe Delaby pour d’autres univers, les aventures qu’il accompagnait de son talent extraordinaire continuent à exister, avec d’autres dessinateurs, toujours sous la houlette du scénariste Jean Dufaux.

Et c’est le cas de cette série, " Complainte des landes perdues ", dont la caractéristique a d’ailleurs été de se construire par cycles, chaque cycle étant pris en charge par un dessinateur différent.

Et c’est Béatrice Tillier qui a la rude tâche de prendre le relais de Philippe Delaby. Elle aurait pu probablement rester dans la continuité graphique de Delaby, choisir un réalisme puissant. Mais, tout au contraire, elle a choisi une voie réaliste, certes, mais plus inscrite dans une filiation avec l’art symboliste qu’avec Rosinski ou Delaby. Son style est incontestablement féminin, sans miévrerie aucune non plus, mais plus délicat, plus précieux dans le trait, comparativement à ses prédécesseurs.
Ici, avec ce " Tête Noire ", c’est donc un nouveau cycle qui commence. Un cycle intitulé "les sorcières", et dans lequel, donc, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la Raison, pour le pouvoir, l’amour, le désir, la reconnaissance, la beauté et l’absence, des personnages vont user et abuser de magies, noire ou blanche. Mais encore une fois, comme toujours avec Dufaux, rien n’est édulcoré. Le sentiment amoureux ne peut qu’être également charnel, l’avidité du pouvoir ne peut qu’exister avec violence, et les sentiments, aussi purs soient-ils, sont toujours teintés d’obscurité.

Jean Dufaux est un remarquable raconteur d’histoires. Et s’il l’est, c’est Parce que, à aucun moment, il ne devient juge de ses personnages. Porté par l’écriture, selon ses propres mots, il est observateur de ce qu’il nous raconte, partenaire du récit qu’il nous propose. Et les thèmes qu’il aborde, ici comme dans tous ses scénarios, pour élaborés qu’ils soient, parlent d’abord et avant tout de lui, de ses rêves, de ses vécus. Et c’est probablement là qu’il faut trouver la raison de l’omniprésence, dans ses narrations, de la mort. Une mort qui s’avère parfois terriblement sanglante, parfois aussi d’une étrange douceur… La douceur de la destinée humaine, en quelque sorte !

Ces deux livres forment, chacun à sa manière, la continuité de qui était Philippe Delaby. Un dessinateur hors pair, qui a réussi à revisiter l’univers du réalisme historique en bande dessinée, comme Juillard l’avait fait avant lui. Et ces deux albums se doivent d'avoir, sans aucun doute possible, une place de choix dans votre bibliothèque !

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