dimanche 12 juillet 2015

Les personnages et le storyboard

Suite du "dialogue créatif" entamé début mai.




Quel beau personnage! Est ce un personnage de vos connaissances ou un sujet trouvé dans un film ou dans un ouvrage ?

Un acteur. J'ai fait un casting "Irlandais"

Ok! Irlandais, forcément pour coller à l'histoire qui se déroule là bas... Je suppose que vous faîtes de même au préalable avec chacun des intervenants de l'histoire ?

Oui, sauf quelques exceptions quand je veux placer des connaissances ou membres de ma famille. Des clins d'oeil quoi...

Est ce que votre scénariste vous laisse une description précise ou légère du caractère du physique qui tend à vous orienter vers un type d'individu que vous ressentez?

C'est très variable. Jean a parfois une image précise du personnage, plutôt une particularité qui lui tient à coeur, comme une cicatrice, un vêtement, une barbe, un bijou etc... qui servira à l'histoire. Souvent j'ai une totale liberté mais c'est moi qui vais lui demander des précisions afin de ne pas faire fausse route (ne connaissant pas les aboutissants de l'histoire) : l'âge est important par exemple, les filiations. Il m'arrive de changer un brun en blond si j'estime que le casting est "trop" brun et que des personnages risquent de se ressembler de loin s'ils ont beaucoup de scènes en commun ou si cela ne colle pas à la personnalité de l'individu. L'évocation d'un nom, une manière de parler peut aussi influencer le choix du caractère visuel. Le temps que je vais passer avec le personnage est important, je dois prendre du plaisir à le dessiner, pour certains, je dois être "amoureuse" pour que les sentiments soient sincères et la peine réelle si je dois les quitter.

Quand vous avez décidé de votre acteur, le représentez vous avec différentes expressions pour mieux vous l'approprier ?

je fais des croquis d'après photos afin de le disséquer, de l'étudier, de comprendre la structure de son visage, de ce qui fait sa laideur ou sa beauté. Je peux ainsi le vieillir ou le rajeunir, me l'approprier. Les expressions viennent avec le récit.

Souhaitez vous le connaitre en profondeur avant d'attaquer l'histoire ou vous laisser le plaisir de le découvrir au fil de la création?

Au moment où on le crée, on ne le connait pas vraiment puisque l'histoire n'en est qu'à son balbutiement. On a juste le physique...

Est ce que votre scénariste réalise une fiche précise pour chacun des personnages?

Non. Ils sont dans sa tête, ils sont des pions au service de l'histoire. C'est elle l'héroïne. Ils sont donc interchangeables, avec une destiné toujours sur le fil du rasoir.

Vous arrive t'il d'avoir des désaccords graphiques sur des personnages avec votre scénariste ?

Nous discutons toujours des personnages principaux avant d'attaquer. Je lui fais mes propositions à la suite de la lecture, mes choix et pourquoi. Il lui arrive aussi de "tomber amoureux" des personnages que je lui propose au point de leur changer leur destiné !!

Prenez vous autant de plaisir à créer un homme ou une femme malsaine qu'un être plus "normée", agréable ?

Le "mauvais" est toujours plus facile à faire, on se défoule, on se dévoile, on y met nos pensées les plus sombres. Le "bon" ou le "beau" est compliqué, il demande de la précision, de la perfection, on se retient, on a peur de mal faire et on est toujours déçu.

Les personnages sont si vivants, leurs poses si naturelles...

Pour les personnages, il faut rentrer dans leur peau, leur tête pour exprimer les mêmes émotions et imaginer les poses en rapport avec leur états d'âme. c'est presque un travail d'acteur et de metteur en scène. C'est là qu'on est content d'avoir fait du théâtre pendant ses études !!! :)

Pour le jeu des acteurs , est ce que vous imaginez la scène dans votre tête uniquement ou jouez vous devant une glace pour arriver à l'émotion adaptée ? 

D'abord dans ma tête, à la lecture du scénario, je vois évoluer mes acteurs/trices dans les décors, comme un film en projection privé : j'essaye différentes mises en scène, je vois aussi à travers leurs yeux et quand je ressens le picotement dans le ventre ou que je me sens sourire, c'est que c'est la bonne prise ! Au moment de dessiner, les grimaces viennent inconsciemment, sans contrôle !!! Si la moue est complexe, on sort le miroir effectivement !!!

Je ne sais pas si cette planche a du texte, mais les images sont si parlantes grâce aux jeu des cadrages et des personnages qu'elle pourrait se suffire à elle même. On imagine aisément la réflexion du personnage qui veille sur celui qui est allongé et la douleur (mentale ou physique) de celui qui se réveille... Le réconfort d'une main sur une épaule...

Oui il y a du texte !!! mais il est ajouté informatiquement. La règle étant qu'on peut lire sans image et qu'on peut regarder sans lire. Les deux se complètent et ne doivent pas se répéter.

Il faut aussi se servir du cadrage pour accentuer l'émotion, bien la présenter... On le voit bien avec la plongée dans la pièce... Avez vous réalisé cet espace informatiquement ou avec de la documentation?

Les deux. Ici le scénariste avait une idée précise du type de château. Je suis partie d'un lieu existant. Puis j'ai imaginé l'intérieur d'après les plans au sol des tours. J'ai ensuite modélisé la pièce afin de pouvoir varier les plans et circuler à l'intérieur de manière fluide comme un mouvement de caméra. Ainsi on évite l'ennui de plans identiques ou à hauteur d'homme. Mais je choisi mes cadrages en fonction de mon story board, qui lui a été imaginé sans documentation. Et rarement l'inverse. Ou alors il faut vraiment que j'ai épuisé mon stock d'idées et d'angles de vue de la pièce.

Attaquez vous de suite la planche après le storyboard ou le montrez vous à votre scénariste? Arrive-t'il que vous vous soyez obligée lors du crayonné, au bout des premières cases, de changer les cases suivantes prévues initialement sur le storyboard ? Etes-vous souple, et autorisez vous des changements ou suivez vous à la lettre votre storyboard ? 

L'étape du storyboard est la plus importante. C'est là que tout se décide, se crée et que le scénariste valide les propositions. Les seuls et très rares changements qui peuvent être apportés au moment de la réalisation, vont concerner le sens d'une case (on retourne horizontalement une case pour le sens de lecture) ou un zoom/dezoom du plan. Si le story fonctionne, il n'y a pas de raison de faire de gros changements. On s'en rend compte avant.

Sens de lecture avec les lignes de directions pour amener le lecteur à bien se diriger dans la planche ? 

Oui. Mais dans le cas d'un "flip" de la case c'est surtout parce que par facilité et réflexe, quand on est droitier, on a tendance à dessiner les personnages vers la gauche (profil 3/4) parce que ça vient naturellement. Mais du coup, c'est toujours contraire au sens de lecture !!! il faut donc corriger cette mauvaise habitude !! :)

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