vendredi 20 juin 2014

Interview Ligne Claire

Rencontre avec Béatrice Tillier à Palavas, du Bois des Vierges à La Complainte des landes perdues | par Jean-Laurent Truc

Béatrice Tillier est la présidente de la 10e Fête de la BD de Palavas. La dessinatrice du superbe Bois des Vierges et du prochain cycle de La Complainte des landes perdues a signé l’affiche du festival qui se déroule jusqu’à dimanche soir 22 juin. Elle a accepté de répondre la veille du festival aux questions de ligneclaire.info avec simplicité et beaucoup de passion pour son métier. 



Béatrice Tillier, comment s’est mise en place votre duo avec Jean Dufaux pour le Bois des Vierges qui met en scène la lutte pour le pouvoir entre Hommes et Bêtes  ?

C’est en 2005. Nous étions invités à un festival. Sa femme a vu mes travaux exposés et lui a dit qu’il devrait travailler avec moi. Le projet était dans l’esprit de La Belle et la Bête avec des réminiscences de souvenirs d’enfance, celles d’un conte fantastique.


Si on vous parle de Bourgeon ou de Juillard en regardant vos dessins, qu’elle est votre réaction ?

Ce sont deux écoles et deux auteurs que j’apprécie bien sûr. J’avais reçu en cadeau un album de Bourgeon, sa période moyenâgeuse de la série Les Compagnons du Crépuscule. J’aime la précision, l’amour des personnages, le soin de l’architecture, les dialogues décalés.


Vous êtes très perfectionniste ? Vous avez un dessin assez académique.

Je suis maniaque (rires). Un peu. J’aime aller au fond des choses, je m’implique jusqu’au bout dans mon travail. J’ai besoin d’avoir une solide et bonne documentation. Je dois comprendre les choses avant de les dessiner, un peu comme quelqu’un qui démonte un appareil quelconque pour voir comment ça marche. Je travaille en profondeur.

Le côté académique vient de ma formation où j’ai touché aussi bien à l’anatomie qu’à toutes les formes d’expressions artistiques.


Qui vous a inspiré pour le personnage de Aube dans Le Bois des Vierges, un anti-héros qui évolue, et comment validez-vous justement le graphisme de vos personnages avec Jean Dufaux ?

Je me suis inspiré effectivement d’une actrice, Cécile de France. Elle ne semble pas fragile au premier abord, elle semble avoir un caractère marqué sans être physiquement un top-model. Elle arrive comme Aube à changer d’apparence. C’est une héroïne dure et aussi agréable à regarder. Jean Dufaux a toujours une idée précise de ce qu’il veut. Par exemple, toujours pour Aube, il fallait qu’elle ait les cheveux courts avec un côté garçon manqué qui lui plaisait bien.

Pour Clam on a changé radicalement le projet initial basé sur Gérard Lanvin mais tous les héros hommes auraient été bruns. On risquait de les confondre. Je lui ai donné un ton blafard, les cheveu blancs, il voit la nuit mais ce n’est pas un vampire, on le sait, mais un loup-garou. Alors je lui ai fait aussi un pelage blanc quand il se transforme. Il n’est pas repoussant. On a envie de le caresser. Il fallait un côté attendrissant et dans mes cases on peut plus facilement le repérer.


Pourquoi ne pas avoir continué la série ou éventuellement développé les aventures de personnages secondaires ?


Ce n’est pas l’envie qui nous a manqué mais les éditions Laffont ont été rachetées par Delcourt. Ce qui a rendu très compliqué une suite éventuelle après la publication du tome 3 du Bois des Vierges. Désormais cette série est la propriété de Delcourt et cela nous obligerait à continuer à être édité dans cette maison.

Il y a un personnage très aimé et demandé en dédicace, c’est le seigneur Lynx. Lui aurait pu être un personnage à suivre.


Vous êtes désormais sur le nouveau cycle de La Complainte des landes perdues chez Dargaud.

Oui, et cela remonte à 2008 à Saint-Malo. On avait réfléchi avec Jean sur ce que l’on pouvait faire. Philippe Delaby, malheureusement disparu au début de l’année, était sur le tome 2 de son cycle. Et il y avait en prévision Les Sorcières, un autre cycle dans lequel on remontera dans le temps et qui sera en quatre albums. C’est donc une décision ancienne que nous avons prise avec Jean Dufaux et avec Dargaud Benelux.

J’ai dessiné 34 pages de La Complainte. Jean me laisse de plus en plus de liberté. Il sait comment travaillent ses dessinateurs, comment ils interprètent les choses. Des fois, je peux le surprendre. Des personnages qui devaient mourir ont été épargnés car ils avaient trop de caractère (sourire). J’ai besoin d’avoir des personnages costauds. Je vis avec eux quinze heures par jour. Ils doivent me motiver.


Vous êtes tentée par le scénario ?

J’aimerai écrire mes histoires et les dessiner, c’est vrai. J’ai déjà commencé à écrire. Toujours un univers à l’architecture alambiquée mais pas le quotidien contemporain. On peut très bien transposer un sujet d’actualité dans le passé. Travailler avec un scénariste comme Jean Dufaux est une bonne école et il faut un peu vieillir. Je n’écris pas aujourd’hui comme on écrit à vingt ans. Il faut que le récit tienne la route, qu’il y ait une interconnexion entre deux personnages.


Vous êtes une cinéphile ?

Oui mais je vois surtout beaucoup de séries car elles ont des scénaristes multiples, trois parfois par série. Les formats sont plus accessibles en temps. Les séries sont plus riches. Le cinéma privilégie souvent l’image, est plus plat. Mais la BD reste pour moi le format idéal, mon format de liberté, sans censure et avec de grandes fresques impossibles à gérer sur grand écran car trop chères bien sûr.

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