mercredi 3 mai 2023

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Perros-Guirec - Tréguier - La Roche-Jaudy

B. Tillier : « La fantasy me permet de m’évader »
Ouest-France Jeudi 20 avril 2023

Perros-Guirec – Autrice et illustratrice de renom, Béatrice Tillier sera l’invitée d’honneur du festival de BD de Perros-Guirec ce week-end. La passionnée de fantasy nous a accordé un entretien.


Entretien

Béatrice Tillier, qui sera l’invitée d’honneur de la 29e édition du festival BD samedi et dimanche.

Comment est née votre passion pour la bande dessinée ?

J’ai toujours été passionnée par la bande dessinée. J’en lisais beau- coup, et j’ai même commencé très tôt à en dessiner. Dès la maternelle, je m’exprimais par ce biais-là, en faisant des petites histoires illustrées pour le journal de l’école. Alors, après un bac littéraire et d’arts plastiques, je me suis inscrite dans une école d’art graphique à Lyon. C’était une évidence.

Les études, c’est une chose, mais il faut réussir à se forger un nom dans ce milieu...

À cette époque, les écoles formaient uniquement au dessin, pas aux rouages des métiers de l’édition et aux procédés pour faire publier notre travail. J’ai dû me débrouiller pour prendre contact avec des maisons d’éditions, faire un book, proposer des projets... J’ai eu de la chance sur un salon BD, où un chasseur de têtes des éditions Vents d’ouest a remarqué mon travail. Il avait dans ses tiroirs un scénario de Téhy qui ne trouvait pas de dessinateur. L’éditeur me l’a envoyé sans me dire qui était l’auteur, et j’ai fait des essais qui leur ont plu. C’est comme ça qu’est né Fée et tendres automates.


Un premier succès qui vous a conduit à reprendre le pinceau d’une série phare de la BD française aux côtés de Jean Dufaux...

Avec Jean, nous travaillions déjà ensemble sur le Bois des vierges, série pour laquelle nous avons eu quelques déboires avec l’éditeur. On se demandait comment on allait rebondir, et à ce moment-là, le deuxième tome de la Complainte des Landes perdues, illustré par Philippe Delaby, venait de sortir, et il était déjà annoncé qu’il y aurait un troisième cycle sur les Sorcières. J’ai demandé à Jean s’il avait déjà trouvé quelqu’un pour la suite, ce qui n’était pas le cas. J’ai donc proposé ma candidature, qui a été retenue.


Pour Béatrice Tillier, le dessin est un moyen de s’évader de la réalité. | PHOTO : ÉDITIONS DARGAUD


La fantasy est-elle intrinsèquement liée à votre pratique, ou vous verriez-vous en sortir un jour ?

Clairement, oui. Déjà petite, j’empruntais dans la bibliothèque familiale les albums de Moebius, de François Bourgeon, d’Enki Bilal... Si j’ai choisi de m’exprimer par la BD, c’est pour m’évader du quotidien. J’aime raconter des histoires qui permettent de dessiner des beaux costumes, des beaux lieux, des choses fantastiques et un peu irréelles. Le domaine du conte me permet tout cela. Mais j’aime quand même garder une for- me de réalisme dans mon trait. Je puise de l’inspiration dans certaines architectures réelles, dans des habits d’époque, et je fais attention à ce que mes personnages aient de fortes personnalités, qu’ils ne soient pas stéréo- typés.


Vous aimeriez tester d’autres styles que le fantastique ?

Pour l’instant, je m’y sens bien. J’avais fait une incursion dans le contemporain avec Mon voisin le Père Noël, et même si l’histoire me plaisait énormément, j’ai eu beaucoup plus de mal à dessiner le quotidien, à m’y projeter. Je ne pense pas revenir dans ces uni- vers-là, je m’y sens beaucoup moins à l’aise.

Vous êtes seulement la deuxième femme invitée d’honneur du festival de BD de Perros-Guirec : peut-on dire que le métier se féminise ?

Il y a de plus en plus d’autrices et de dessinatrices qui commencent à se faire remarquer, même si ça reste tou- jours dans un domaine particulier : les romans graphiques, les dessins de presse ou la jeunesse. En réalisme pur, j’ai un peu l’impression d’être tou- te seule dans cette niche-là, c’est un peu plus rare de croiser des femmes à ces endroits.


Mais ce qui est important, au final, c’est le résultat, pas le sexe de l’auteur ! Je pense toutefois que le milieu de la BD va se féminiser par la force des choses, parce qu’il y a de plus en plus d’autrices, de plus en plus de lectrices. Le manga a notamment permis d’attirer de nombreuses jeunes filles vers les BD, avec des œuvres créées pour un public féminin. Ce que la BD franco-belge n’avait pas fait jusqu’alors, même si c’est aujourd’hui en train de changer.

Recueilli par

Victor GUILLAUD-LUCET.



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