mercredi 3 février 2016

Interview • La Ribambulle

Dans la bulle de… Béatrice Tillier

Par    | le 3 février 2016 |

Dessiné par Béatrice Tillier, le neuvième tome de La Complainte des Landes perdues était l’un des albums les plus attendus de la fin d’année 2015. Nous sommes donc allés poser quelques questions à cette talentueuse dessinatrice.
Béatrice Tillier
© Olivier BRAZAO
Cela fait désormais cinq ans que tu as été confirmée pour reprendre le dessin de la série de La Complainte des Landes perdues. Heureuse de voir ce premier tome sortir en librairie ?
Oui, un peu comme une naissance après une longue gestation ! C’est toujours la même émotion avec ce côté irréel de voir transformé en objet concret toutes les images qui ont couru dans ma tête, pour se poser sur le papier et finalement s’envelopper de pigments d’aquarelle.
Après la série Le Bois des Vierges, tu travailles à nouveau avec Jean Dufaux, cette fois sur le troisième cycle de La Complainte des Landes perdues. Peux-tu nous parler de cette collaboration ?
On va dire que la période de rodage est largement terminée et qu’à présent la machine tourne en parfaite harmonie. Chacun sait ce qu’il attend de l’autre, un peu comme un couple où l’on finirait les phrases de son binôme. Cette confiance accordée est un réel plaisir, un honneur et malgré tout un confort instable car il n’y a pas de laisser aller qui tienne ! Nous sommes au service de l’histoire et ne devons pas nous contenter juste de ce que nous savons faire.
Béatrice Tillier image 2
Tu succèdes à Grzegorz Rosinski et à Philippe Delaby sur cette série. Comment cela se passe quand on reprend une série telle que celle-ci ? As-tu reçu des directives te demandant de t’inspirer du travail de tes prédécesseurs ou as-tu eu la liberté d’apporter ta touche personnelle ?
Pas d’inspiration, pas de directive. Maintenir le niveau de ces deux monstres sacrés est déjà une belle direction en soit ! Le principe d’un auteur différent pour chaque cycle indique bien la volonté de mettre en lumière des univers différents. Je me suis fixée moi-même les directives en fait : comme il y a eu plus de temps écoulé entre la production des albums réalisés par Delaby et Rosinski qu’avec mon cycle, j’ai voulu respecter un certain état d’esprit amené par Philippe : la finesse du trait, le réalisme des personnages, la couleur directe, afin que le lecteur se sente « chez lui ».
Béatrice Tillier image 1
Ce troisième cycle sera-t-il composé de quatre albums comme les deux cycles précédents ?
Bien entendu, le script se déroule ainsi selon l’écriture de Jean Dufaux. Les deux premiers seront consacrés au continent où les sorcières émergent et les deux autres à leur départ pour Éruin Duléa.
Peux-tu nous en dire plus sur ta façon de travailler ? Il me semble que tu travaillais autrefois sur un format peu conventionnel (deux A3 pour une planche) mais que tu es revenue à un format plus classique.
À chaque nouvel album, j’aime tester de nouvelles techniques, de nouvelles manières de travailler, de nouveaux outils… Je remets tout en question, il faut que je m’amuse… Je m’adapte aussi au récit : la complainte nécessitant des décors brumeux, une ambiance humide, quoi de mieux que l’aquarelle ! Quant au format, il dépend des matériaux, le papier aquarelle est fait à l’ancienne, avec des formats hors normes, alors je bidouille. Comme j’aime travailler en finesse, j’ai abandonné les grands formats, c’est épuisant à remplir, ça perd en intensité à la réduction et comme ça déborde du champ de vision, on risque de mauvaises surprises (anamorphoses).
Ta bibliographie est bourrée de récit fantastique, est-ce le genre que tu préfères ou un peu le hasard des scénarios que l’on te propose ?
Les deux. On est vite catalogué, les gens attendent de vous le même univers et vous boudent si vous dérogez à la règle. Mon incursion dans le contemporain en a pâti et moi avec. J’ai définitivement su que ce n’était pas du tout un univers qui me convenait. Après tout, j’ai choisi le dessin pour m’évader de mon quotidien, pas pour le dessiner. Dans le fantastique, on a beaucoup de liberté de création, on peut mélanger tout ce que l’on aime, les époques, les coutumes, les décors, les costumes… Personne ne viendra mettre le doigt sur le second lacet du corset qui n’est pas historiquement à sa place ou la jante du nouveau modèle qui ne correspond pas à la marque de la voiture…
Béatrice Tillier image 3
© Tillier
Tu es musicienne depuis ton plus jeune âge, tu ne caches pas écouter de la musique pour travailler sur tes planches. De quoi est composée ta playlist pour dessiner sur La Complainte des Landes perdues ?
Je me suis rapprochée de quelques groupes d’Indie-rock irlandais, des auteurs indépendants : Sam Ali, Touchwood, Evora, Stevie Cliff… (ils sont remerciés dans l’album d’ailleurs) pour rester dans la tonalité du pays où est censé se passer l’album, mais comme de toutes manières j’aime déjà presque uniquement les artistes anglo-saxons… C’est très varié : beaucoup de musiques de films (Marc Streitenfeld, Hans Zimmer, Ramin Djawadi, Henry Jackman…), du classique quand je bosse sur le découpage (Purcell, Mozart, Handel…), blues et jazz pour la couleur, et rock pour le reste (Editors, Muse, Coldplay, Travis, Oasis, Cranberries, Robert Post, Bat for Lashes, Annie Lennox, SimpleMinds, Tears for fears…), du nouveau et du vieux…
Désormais tu travailles sur le tome 10 de La Complainte ?
Oui, en alternance avec la com pour le tome 9 (tirages de luxe…).
Merci à toi d’avoir répondu à nos questions.
Propos recueillis par Nicolas Vadeau.
Interview réalisée le 15 janvier 2016.

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